28 mars 2024

Ça c’est une bonne question !

Mon actualité de ces derniers jours m’a inspiré cet article. Que ce soit dans un contexte professionnel ou personnel, la questiologie* ou l’art de questionner est une stratégie payante. Mais encore faut-il savoir comment poser une bonne question !!

Alors partons en quête de quelques données historiques et théoriques sur le sujet…

Einstein disait « Si j’avais une heure pour résoudre un problème dont ma vie dépendait, je passerais les 55 premières minutes à chercher la meilleure question à me poser, et lorsque je l’aurais trouvée il me suffirait de 5 minutes pour y répondre ».

L’origine socratique

C’est dans l’antiquité que l’art de la parole trouve son origine avec la rhétorique : l’art de persuader un auditoire. La rhétorique tient une place dominante en Grèce antique. Elle s’inscrit dans le cursus scolaire que doit suivre tout citoyen, ce que les Grecs nomme Paideia (éducation). Chaque citoyen se doit de maîtriser à la perfection le langage et ses rouages. La rhétorique est inventée par les grands philosophes, dont les principaux sont Socrates, Aristote et Démosthène.

Socrate passe sa vie à questionner les gens qu’il rencontre. Il les pousse à avoir une démarche argumentative pour atteindre une forme pure de vérité. On parle de la maïeutique de Socrate. « Il fait accoucher les âmes par le dialogue, par la parole. »

La maïeutique de Socrate pousse à découvrir la connaissance par le questionnement. Poser des questions, loin d’être une simple démarche intellectuelle, c’est reconnaître que la connaissance réside dans la diversité des perspectives. Les questions ont le pouvoir d’ouvrir l’esprit là où les déclarations peuvent l’enfermer.

Notre éducation contraire

Né sur Terre sans rien connaître, un enfant part à la découverte du monde en faisant ses propres expériences multisensorielles. Expérimenter c’est se questionner. Puis vient le moment de la parole et c’est un flot de questions que l’enfant pose à l’adulte pour savoir et comprendre.

Nous sommes donc nés avec ce pouvoir naturel du questionnement.

Que s’est-il passé sur les bancs de l’école contemporaine pour que nous devions réapprendre à questionner une fois adultes ? Comment la ligne d’un programme scolaire est devenue plus importante que le zigzag d’un questionnement ? Pourquoi la curiosité s’est trouvée écrasée par le poids d’un discours formaté ? Quand nous levions le doigt c’était pour répondre à la question posée et pas pour poser la question.

Pourtant, l’art du questionnement c’est poser des questions plus pertinentes afin de découvrir de nouveaux possibles, de nouvelles perspectives de développement personnel, relationnel ou professionnel.

Les champs d’application

Les champs d’application sont multiples et quotidiens.

Dans la sphère professionnelle, les personnes qui travaillent dans la relation d’aide questionnent beaucoup. Les coachs, les psychologues ont comme outil de travail le questionnement. Les consultants, les conseillers analysent les situations qu’ils doivent accompagner par un questionnement approfondi auprès des commanditaires et des parties prenantes.

En entreprise, les questions posées par un manager-coach ne visent pas simplement à obtenir des réponses. Elles servent à stimuler la réflexion et à encourager l’autonomie. Ce sont des outils puissants qui peuvent ouvrir des portes mentales, stimuler la créativité, et renforcer l’autonomie au sein de l’équipe. Une question bien formulée peut transformer une simple conversation en une exploration approfondie. Elle permet d’élargir la perspective de ses collaborateurs, de les aider à identifier des solutions innovantes et de créer un environnement propice à la prise de décision éclairée.

Les questions posées par un collaborateur sont des questions de clarification, de compréhension, de vérification. La mauvaise question étant celle qu’on ne pose pas, prendre le temps de baliser tous les contours d’un projet permet de gagner en efficacité et d’éviter les écueils. Parfois même, la solution est dans la question. Exposons nos problèmes et questionnons-les.

L’art du questionnement

Exemple 1 : questionnement orienté objectifs
Quand un manager définit les objectifs individuels et collectifs de l’équipe, il peut passer d’une posture d’expert/leader à une posture de coach. Par son questionnement, il rend ses collaborateurs acteurs de leur propre mission et engagés dans un projet commun :

  • « Quels sont vos objectifs à court et à long terme ? »
  • « Comment ces objectifs s’alignent-ils avec la vision globale de l’équipe ou de l’entreprise ? »
  • « Qu’est-ce qui sera la preuve que nous avons progressé et atteint nos objectifs ? »
  • « Que se passera-t-il pour vous, pour moi, pour l’entreprise si… ? »

Exemple 2 : questionnement pour stimuler la réflexion
Pour stimuler la réflexion et la créativité, il est utile de regarder un sujet sous tous ses angles. Comme un diamant qui nous raconterait une histoire différente sur chaque facette :

  • « Quelles sont les différentes façons d’aborder ce problème ? »
  • « Quels sont les avantages et les inconvénients de chaque option ? »
  • « Comment cette situation pourrait-elle être perçue par d’autres membres de l’équipe ? »
  • « Que ferait Steve Jobs (ou superman, ou dr House, etc.) s’il devait travailler sur ce projet ? »

Exemple 3 : questionnement axé sur le développement
Le questionnement peut aussi permettre d’encourager le développement personnel et professionnel. La conversation est orientée vers des actions concrètes et positives. Le collaborateur s’inscrit, par ses réponses, dans son propre développement :

  • « Quelles compétences pensez-vous avoir renforcées au cours de ce projet ? »
  • « Quels défis avez-vous rencontrés et comment avez-vous appris à les surmonter ? »
  • « Comment puis-je vous soutenir davantage dans votre développement professionnel ? »
  • « Qu’avez-vous déjà réussi et qui va dans le sens de notre objectif ? »

La reformulation et les questions ouvertes sont deux piliers fondateurs du questionnement.

Et si on s’entraînait ?

Questionner c’est d’abord SE questionner. Pour savoir quelle question poser, à quel moment et pour quel résultat, questionnons-nous sur le contexte, notre rôle et notre posture dans ce contexte. Nous éviterons ainsi les questions intrusives, inadaptées, non pertinente (la question pour la question)

1- La posture d’acteur
Exemple de question d’acteur : « À quoi suis-je en train de participer ? »
2- La posture d’observateur
Exemple de question d’observateur : « Qu’est-ce qui se passe ici et maintenant ? »
3- La posture introspective
Exemple de question introspective : « Comment je me sens à l’intérieur de moi ? Cela me convient-il ? Comment j’aimerais me sentir ? »
4- La posture de prise de recul par rapport à la situation
« Qu’est-ce qui doit se produire pour amener cette conversation à un autre niveau, ou pour améliorer le climat de la discussion ? »

Le codéveloppement

Chacun participant, dans son rôle questionne et se questionne pour obtenir un résultat :

  • Le client : se questionne sur sa problématique à chaque étape du codev, questionne les consultants dans son contrat de consultation,
  • Les consultants : se questionnent sur le choix de la bonne question à formuler, questionnent le client, et se questionnent sur la résonance que la séance a sur leur propre situation,
  • L’animateur : se questionne sur sa juste posture dans l’accompagnement de la séance (process et personnes, questionne les participants sur les acquis et apprentissages.

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