3 juin 2020

Capitaine Oh mon capitaine, quel manager es-tu ? Les 11 enseignements de Mon Amiral Laurent Merer.

Il est de ces rencontres qui vous inspirent. L’entretien que j’ai eu le plaisir d’avoir avec Mon Amiral Laurent Merer est un récit managérial dont les chapitres sont des enseignements pour tous les capitaines de navires que sont les managers d’entreprise. Je partage avec vous, chers lecteurs, ces quelques notes prises à  la volée, comme mon carnet de bord de ces quelques heures passées en sa compagnie. En guise de conclusion de cette parenthèse maritime, je vous propose mon analyse analogique pour tous les managers qui demain affronteront d’autres guerres et d’autres tempêtes.

sources: Le marin – photo Marine Nationale

Sur un navire, la notion d’équipe a toute son importance :

  • Chacun son rôle
  • Chacun sa place
  • Chacun sa contribution, ses compétences, son expertise

Et la responsabilité est déléguée jusqu’au plus bas niveau de l’organisation.

Le rôle du capitaine est d‘entraîner l’équipe, de l’emmener dans une nouvelle aventure et de co-construire avec l’équipe les moyens de réussir cette aventure.

Sur un navire le turn-over est important. 2 ou 3 à  un poste, car dans la Marine, c’est une logique de progression qui fait avancer les effectifs. Après 2 ans, chacun aspire à  avoir de nouvelles responsabilités. L’institution accompagne chacun dans sa progression au sein de la Marine, mais également à  l’extérieur.

Dans ce contexte, l’accueil des nouveaux venus fait l’objet d’une attention particulière. Ils sont les ambassadeurs de la Marine, du navire sur lequel ils embarquent et du capitaine qui les dirige. Les souvenirs des anciens ne racontent pas le navire sur lequel ils ont embarqués, mais l’Homme qui les a commandés.

L’accueil d’un pompon rouge s’organise en 2 temps, du temps donné et dédié à  cet accueil, gage de la qualité des relations interpersonnelles sur la durée et en temps de crise:

  1. Le matelotage =  chaque nouveau est accueilli par son matelot, un pair qui va l’intégrer dans le navire et la vie à  bord, 
  2. Les visites = à  son arrivée, le nouveau reçoit la liste des personnes qu’il va rencontrer, ses patrons, ses paris, ses subordonnés. L’institution organise le rendez-vous, il s’agit ensuite à  chacun de faire connaissance à  sa façon.

Rôle/force/poids de l’institution et chaîne de commandement–¦ comment ça fonctionne, pourquoi ça marche ?

Un navire est gouverné par 2 chaines de commandement externes :

  • Organique = le bateau, les outils, l’armement, etc.
  • Opérationnelle = l’emploi, l’usage du bateau, ce qu’on fait des outils, la mission

Un navire est gouverné par 2 chaines de commandement internes :

  • Organique = l’organisation hiérarchique
    • Le commandant
    • Le second
    • Les métiers (les mécanos, les artilleurs, etc.)
  • Organisationnelle =  assurer la permanence et la continuité des activités avec des équipes constituées de plusieurs niveaux hiérarchiques et de plusieurs métiers.

C’est une organisation matricielle au sein de laquelle la communication ascendante et descendante circule et fonctionne bien. Dans cette organisation, tous ont conscience que chacun est indispensable au bon fonctionnement du navire, de sa mission et de l’équipage. Chacun sait qui il est dans le système, son fonction et son rôle.

Cette organisation est huilée par des rites et des rituels qui facilitent la vie, qui offrent des espaces de respiration dans un quotidien qui peut être pesant, qui permettent à  chacun de se sentir appartenir à  une même équipe. Ces rites évoluent aussi avec la jeunesse des équipages qui se renouvellent, nos rites s’adaptent ainsi à  la société d’aujourd’hui.

La communication transverse est assurée par les instances de concertation. Chaque groupe métier a son représentant. Il est porte-parole du groupe auprès de la hiérarchie dont il a un accès direct. Il remonte les avis du groupe sur la vie quotidienne à  bord et sur la manière dont le groupe est commandé. Les instances de concertation se réunissent très régulièrement. Les représentants sont nommés parmi les volontaires pour une période donnée (6 mois). Ces instances de concertation facilitent le lien social.

A la question de savoir si, comme dans les instances paritaires et syndicales des entreprises privées, les instances de concertation font l’objet de revendication de type « mutinerie » ou autre gestion des personnalités difficiles, la réponse se situe dans l’ADN de la Marine :

  • La sélection des équipages se fait en partie sur les aptitudes psychologiques individuelles à  la vie en société.
  • Chacun sait qu’elle est sa place actuelle dans le système, qu’il peut bénéficier d’une promotion interne, chacun a des perspectives
  • Le rôle du capitaine et sa parole directe et régulière auprès de chacun a un rôle majeur dans l’équilibre de vie à  bord. Il remercie, il encourage, il raconte une histoire pour emmener tout le monde dans une l’aventure, une aventure dans laquelle chacun sait ce qu’il a à  faire.
  • L’organisation en elle-même décrite ici permet d’identifier les signaux faibles. Les visites d’accueil font que chacun se connait et sait identifier si un compagnon de route est en difficulté.

Faire équipage est un équilibre subtil entre autorité et écoute des besoins de l’autre. Le navire est un écosystème qui s’autorégule et s’entretient. Le patron crée autour de lui un réseau de personnes de confiance réciproque et partagée qui lui permet de savoir à  tout moment l’informel de l’équipage. 

Le capitaine peut-il avoir son style de management ? Oui, chacun exprime sa personnalité dans la manière de vivre sur le navire. Il faut aimer les gens pour réussir à  créer le lien, pour savoir regarder et écouter. Le style du capitaine se ressent dans chaque coursive.

La marque employeur de la Marine, c’est son capitaine, c’est le parcours professionnalisation offert à  chacun, les perspectives offertes (de la mission = l’aventure, de la carrière = les changements de grade). L’accompagnement est permanent, à  l’intérieur de l’institution comme à  l’extérieur lorsqu’il s’agit d’en sortir. L’équipage sait pourquoi il part–¦ ;

Les mots de la marine–¦

  • L’esprit d’équipage
  • Les rites et rituels
  • La responsabilisation
  • La légitimité du capitaine

La grammaire du capitaine–¦ qui navigue au cœur de tous ces modes :

  • L’indicatif pour faire, pour agir
  • L’impératif pour commander
  • Le conditionnel pour se projeter dans le futur
  • Le subjonctif pour la communication
Photo – Le Progrès/Damien Lepetitgaland

Les 11 enseignements à  retenir–¦

  1. Dans une organisation, dans une entreprise, dans une équipe, chacun a un rôle précis, indispensable au bon fonctionnement du système. Chacun sait ce qu’il a à  faire et agit au service d’un projet commun, d’une aventure commune, en fonction des responsabilités qui lui sont confiées au regard de son rôle.
  2. La responsabilité du projet, de la mission, de l’aventure commune est déléguée jusqu’au plus bas niveau de l’organisation. Chaque niveau de responsabilité est confié avec confiance et respect.
  3. Le leader (patron, dirigeant, manager, capitaine) entraîne l’équipe dans une nouvelle aventure, un projet, une mission, un challenge. Il raconte une histoire qui va donner à  chacun l’envie de s’y investir. Il va donner des perspectives pour chaque acteur du projet.
  4. L’accueil et l’intégration des nouveaux venus dans un système, de nouveaux collaborateurs dans une entreprise, est un acte majeur dans la réussite du projet, de la mission, de l’aventure. Le processus est connu de tous, partagé et vécu par tous. Le temps nécessaire est accordé à  ce processus.
  5. Un à  management horizontal ou vertical, l’option matricielle peut être préférée pour ses vertus d’efficacité. Les communautés de métiers vivront aux côtés des communautés de projets. La communication 360 ° fonctionne par intérêt partagé de mettre au service d’une mission commune des expertises valorisées et dont chacun est fier.
  6. Les rites et rituels facilitent la vie collective et permettent à  chacun de sentir faire partie d’un groupe.
  7. Les instances de discussion, de concertation n’ont qu’un but, le bien-être individuel et collectif au service d’une mission commune. La règle du jeu est induite et incarnée, mais dans nos entreprises elle mérite parfois d’être rappelée, au risque d’oser exclure de la discussion toute personne se mettant en opposition à  cette règle.
  8. Le recrutement d’un nouveau collaborateur n’est pas constitué de seul critère des compétences. La capacité à  vivre le collectif de l’entreprise est un critère de choix qui, sur le terrain, se révèle être différenciant pour un bon climat social.
  9. L’engagement des collaborateurs dans le projet et la mission de l’entreprise est nourrit par la mise en perspective des parcours professionnels de chacun. Savoir que demain les champs des possibles sont ouverts facilite l’engagement d’aujourd’hui.
  10. Chacun son style. Chaque manager laisse une trace de son leadership. Ce leadership est réel quand le collaborateur se souviendra davantage d’avoir travaillé pour tel ou tel manager que pour telle ou telle entreprise.
  11. Manager c’est, avec et pour son équipe : agir, « commander », se projeter dans le futur, communiquer

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